Quiconque parcourt notre capitale Lomé, va aisément se rendre à l’évidence que la ville est construite sans un plan directeur. Elle s’étend de façon anarchique, s’élargissant ainsi horizontalement sur une surface de plus en plus grande, avec tout le corolaire de difficultés et de problèmes divers que cela occasionne pour les citoyens, surtout en ces temps de pluies qui constituent finalement un vrai cauchemar pour les fonctionnaires et agents de l’administration publique ou privée habitant les zones très reculées du centre-ville.
Il est clair que l’état actuel que présente notre capitale est bien loin des villes modernes reflétant une certaine esthétique avec des commodités décentes de logements et d’occupation convenable d’espaces. Pourtant les études montrent sans ambages que le Togo est le pays qui se doit le plus d’anticiper sur ces phénomènes urbains avec une vision prospective bien réfléchie et mieux adaptée aux besoins urgents de l’heure.
En effet, de tous les pays de l’espace communautaire ouest-africain, notre pays est celui dont la densité est la plus élevée. Alors qu’il comptabilise déjà 152 habitants au Km2, la Côte d’Ivoire n’en compte que 82, le Ghana 126, le Bénin 109, le Burkina Faso 64, le Niger 19, le Mali 16, etc. En clair, l’occupation des terres au kilomètre carré au Togo a déjà pris une proportion relativement élevée et indique clairement qu’un besoin de gestion judicieuse de celles-ci s’impose déjà à nos gouvernants dès lors que la population urbaine comme rurale ne cesse de croitre de façon exponentielle par année.
Si l’on peut en effet se réjouir de cet accroissement de la population du fait qu’il n’y a réellement de richesse que d’hommes, il y a nécessairement lieu de s’inquiéter de la manière anarchique dont les terres en ville sont occupées, sur une surface de plus en plus grande, alors que l’idéal est de voir la ville s’agrandir plutôt verticalement, comme c’est le cas de toutes les grandes villes du monde. Malheureusement, nos habitudes de vie sont telles que la préoccupation majeure de tout citoyen est d’abord et avant tout, de disposer d’un lopin de terre, non pas en vue d’envisager une production quelconque, mais de se construire un abri où il loge avec sa petite famille.
Ainsi le fait pour un fonctionnaire de l’administration publique ou privée, un adulte quel qu’il soit et quel que soit son revenu, de ne pas avoir en son nom, un terrain sur lequel il doit construire son domicile avec une cour personnelle, est perçu dans notre société comme un irréfutable élément indicateur de son échec dans la vie sociale.
Par conséquent, le réflexe premier de tout jeune, ayant un revenu minimal est incontestablement de contracter un prêt bancaire pour s’acheter un lot de terrain partout où cela lui parait possible. Et, ces terrains devenant de plus en plus rares et de plus en plus chers en ville, les espaces à la périphérie de la ville sont vigoureusement convoités et exploités à fond. Ce faisant, la ville s’élargit au lieu de s’agrandir au sens moderne du terme, avec des habitats élevés pouvant absorber plusieurs familles à la fois.
Il me souvient qu’il y a encore quelques années, un magazine international avait caricaturé Lomé comme une « ville à la taille d’hommes », pour ainsi indiquer tristement que notre capital dispose de très peu de buildings, d’immeubles de taille alors que des concessions de basse altitude abondent de partout, occupant presqu’anarchiquement l’espace de terre.
Le danger d’un tel phénomène reste que dans un avenir proche, la ville ne disposera plus d’espace convenable pour quelque production, qu’elle soit d’ordre agricole ou industriel.
Ensuite cette expansion sans retenue de notre capitale oblige aussi l’État à étendre les services concédés, notamment l’eau, l’électricité, le téléphone, la fibre optique, etc. en vue d’assurer un minimum de commodité aux occupants. Ce qui va naturellement peser sur son budget, surtout en ces temps difficiles où toutes les structures économiques des pays du monde ont été déstructurées sous les effets conjugués de la pandémie de Covid19 et des opérations militaires actuelles en Ukraine dont l’épilogue n’est certainement pas pour demain.
Il s’agit là, d’une vraie épreuve, mais aussi d’un réel gâchis qui impose désormais d’envisager une nouvelle politique de logement plus efficiente et plus judicieuse, pour non seulement éviter aux citoyens ce stress de la recherche à tout prix de terre pour se construire une maison, mais surtout disposer d’espace convenable qui pourrait être mieux capitalisé à travers des activités rentables et productrices de richesse.
C’est peut-être dans cette perspective que le gouvernement togolais avait adopté en 2018, une loi sur la copropriété qui permet par exemple à tout citoyen de s’acheter un appartement qu’il immatricule en son nom dans un immeuble en ville, plutôt qu’une terre à des kilomètres à la ronde avec tout le préjudice que cela comporte, notamment en termes de coût de construction, de transport et même des risques d’accidents, en l’occurrence avec nos routes peu praticables en saison pluvieuse.
Mais aucune communication judicieuse n’est faite autour d’une telle loi, en vue d’inciter éventuellement des entrepreneurs ou des hommes d’affaires, à investir conséquemment dans la construction immobilière obéissant à une telle norme, tout comme l’Etat lui-même peine, avec une évidence effarante à faire pousser de terre de pareilles constructions pouvant matérialiser une vraie politique de logement dans notre pays.
Il est certes vrai que pour son quatrième mandat, le chef de l’État Faure Gnassingbé s’est proposé de faire construire environ vingt mille (20.000) logements dans notre pays. A cet effet l’État a commencé à payer des espaces qu’il concède présentement à des opérateurs privés qui devront assurer la construction de logements décents respectant les commodités minimales de modernité.
Mais le besoin en la matière reste total et il importe, dès maintenant, que des initiatives dans ce sens soient envisagées et prises, en vue notamment, de donner un visage plus esthétique et plus moderne à notre capitale, mais surtout aussi, de résoudre de façon pérenne ce phénomène d’occupation anarchique et abusive de nos terres tout en garantissant des moyens efficaces et probablement aussi moins coûteux de logement aux citoyens.
Luc ABAKI
(Source : L’Alternative N°1028 du 06 mai 2022)