Il a envahi le marché togolais, malgré l’interdiction officielle d’importation, et mène une rude concurrence à la production locale. Le tilapia chinois, (trompeusement) low-cost, étouffe le poisson élevé localement. Et pourtant la comparaison ne tient pas entre le tilapia togolais original, et à plus forte raison Lofty Farm, et celui chinois, manifestement frelaté. Regards croisés sur ces deux types de tilapias et phares particulièrement sur le local et bio, à l’occasion de ce mois d’octobre dit du «consommer local », initiative du gouvernement togolais destinée à promouvoir la consommation des produits « made in Togo », célébrer des fiertés nationales…
« L’autre (difficulté) non négligeable, c’est la concurrence du poisson chinois ». Pierrot Kokou AKAKPOVI, le PDG de la ferme piscicole LOFTY FARM sise à Nangbeto non loin d’Atakpamé, ne croyait pas si bien dire lorsqu’il abordait, dans son interview ayant fait l’objet d’un grand reportage le mardi 5 octobre dernier sur le site Le Tabloïd Togo ( https://letabloid.tg/projecteur/grand-reportage-lofty-farm-la-ferme-du-tilapia-bio-au-togo-alevinage-grossissement-provenderie-chiffres-de-production/ ), les difficultés majeures rencontrées dans sa grande entreprise industrielle d’élevage du poisson, le tilapia notamment. « Il y a une véritable concurrence déloyale du tilapia chinois au local. Quand on présente les deux, par rapport au coût, les gens se disent que le chinois est moins-disant. Mais lorsqu’on rentre dans les détails, ce que fait le Chinois ne respecte pas du tout les normes », se plaignait-il. A raison forcément, à côté du fait que déjà le tilapia chinois ne devrait pas être sur le marché togolais, au regard de l’existence de l’arrêté interministériel n°0069/18/MAEP/MCPSP du 18 avril 2018 portant interdiction provisoire d’importation de tilapia au Togo.
« Nos poissons sont bios simplement parce que nous ici à Nangbeto, on n’utilise pas d’additifs (produits chimiques, Ndlr). Pour nourrir nos poissons, nous leur donnons du soja et du maïs accompagnés de certains produits dont les tourteaux de riz. Dans presque toutes les écloseries du monde, les gens utilisent des hormones pour monosexer les poissons, c’est-à-dire les rendre stériles, pour qu’ils ne se reproduisent pas dans les cages. Nous ici, nous nous sommes fait interdiction formelle d’utiliser ça. Les alevins grandissent directement sans hormone et par après, on les envoie pour le pré-grossissement, puis le grossissement. Cela fait qu’à la pêche, nous avons au moins 5 à 7 % de petits poissons appelés rejetés. Ce ne sont pas directement nos poissons qu’on a mis dans les cages, mais ce sont les petits poissons engendrés par les larves que nos poissons ont données dans les cages à l’accouplement. Quand vous voyez de ces rejetés, cela veut dire que le poisson a été élevé bio. Le bon tilapia au Togo, c’est à NANGBETO », s’enorgueillissait M. AKAKPOVI.
Eh bien, la toute première différence entre le tilapia togolais et l’envahisseur chinois se trouve dans les conditions d’élevage du poisson. Globalement, tous les pisciculteurs togolais élèvent le tilapia dans des conditions naturelles, dans des bassins artificiellement creusés, à défaut d’espace naturel comme le lac Nangbeto pour LOFTY FARM. Et de fait, les poissons suivent leur cycle naturel de vie, huit (08) à neuf (09) mois, avant d’être péchés pour la plupart. Pendant ce temps, le tilapia chinois, lui, fait à peine quatre (04) mois et est déversé sur le marché. Il va sans dire que le Chinois utilise des additifs et autres hormones pour gaver les poissons et leur donner des formes incroyables en l’espace de quelques semaines. Exactement comme on fait avec les poulets importés et bien souvent OGM (organisme génétiquement modifié).
Au niveau de la conservation également, c’est le jour et la nuit. « Quand le Chinois surgèle son poisson qu’il envoie ici (au Togo, Ndlr), il fait au moins 30 % de gel d’eau et 70 % de poisson. Des gens nous ont proposé ça ici, disant que c’est comme ça qu’on peut gagner de l’argent, mais on a dit non. Nous à LOFTY FARM, on ne surgèle que le poisson à 100 %». Ces propos de Pierrot AKAKPOVI, par ailleurs Président du Conseil interprofessionnel de la filière poisson au Togo (CIFP Togo) et de la Plateforme des acteurs non étatiques de la pisciculture et de l’aquaculture Togo (PANEPAT Togo), une voix autorisée donc, sont en réalité une révélation sur les dols, les manières frauduleuses utilisées par les producteurs chinois pour gruger le consommateur togolais. « De 10 kg du tilapia chinois, on se retrouve à 7 kg après décongélation », avait relevé à bon escient le patron de LOFTY FARM. Et l’expérience du pesage, faut-il le rappeler, a été faite devant nous.
En termes de santé, il devrait y avoir des impacts négatifs (des voix autorisées dans le domaine de la santé alimentaire lèveront le voile là-dessus peut-être un jour), vu que le produit utilisé pour la conservation du poisson pour qu’à la surgélation, il puisse garder les 30 % en sus d’eau, c’est du gel. C’est d’ailleurs le facteur –santé du consommateur – qui avait poussé à l’époque le gouvernement, suite aux révélations du confrère « L’Alternative » dans le « Tilapia-Gate » en 2015, à ordonner la destruction des cargaisons de tilapia chinois et par après en interdire l’importation pure et simple au Togo. Pour la gouverne de ceux qui l’ignorent encore, certains produits chinois ne sont pas consommés par les Chinois eux-mêmes et ils sont interdits sur les marchés européens…
Le consommateur togolais est souvent bluffé par le prix du tilapia chinois. Mais en réalité, il est grugé. « Quand les gens voient ce que le Chinois envoie, ils sont étonnés que son carton (de 10 kg, Ndlr) soit vendu à 15 000 F et que le nôtre le soit à 20 000 F. Ils préfèrent le chinois ; mais en fin de compte, lorsqu’on fait les calculs, en réalité nous, on est d’abord moins-disant sur le prix parce que de 10 kg du tilapia chinois, on se retrouve à 7 kg après décongélation (…) Lorsqu’on fait les calculs, en réalité, les poissons de LOFTY FARM sont moins-disant; le kilo de notre poisson est en réalité de 2000 F alors que celui du tilapia chinois est de 2143 F. Le Chinois dupe le consommateur avec son tilapia. En plus de tout ça, nous, nos poissons sont bios ». Tout est dit ici par Pierrot AKAKPOVI, qui lève un coin du voile sur l’escroquerie intellectuelle dont sont victimes les consommateurs togolais, bien souvent bluffés par le prix apparent mis en avant concernant le tilapia chinois.
En termes de qualité, les pisciculteurs togolais sont mieux-disant parce que ce sont des poissons frais qu’ils mettent en surgélation et déjà le lendemain ou le surlendemain, on peut les retrouver sur le marché. Pendant ce temps, « Le chinois fait quatre-vingts (90) jours avant d’arriver ici, puis passe au stockage (…) banalement six (06) mois avant d’arriver dans l’assiette du consommateur », comme indiqué par M. AKAKPOVI. Il va sans dire que le goût des deux types de tilapia ne serait pas le même.
Au demeurant, le tilapia togolais et celui chinois, c’est le jour et la nuit. Sur toute la ligne, aucune comparaison n’est tenable en réalité. Il n’y a donc plus de raison valable de ne pas préférer, mieux, adorer le local, bio en général et surtout le label LOFTY FARM. A moins de négliger volontairement le bon, le sain, le moins-disant, le savoureux originalement…