Lomé s’apprête à accueillir la 3e édition de « La Fabrique de Fictions », un festival où théâtre et patrimoine urbain s’entrelacent pour offrir des spectacles uniques. Prévu du 15 au 22 novembre, l’événement a été lancé le 12 novembre à Lomé avec la présentation officielle des textes qui seront joués tout au long de cette édition. Ces œuvres, éditées par Awoudy, explorent des thèmes universels abordant les questions de mémoire, d’identité et de tradition, tout en puisant leur inspiration dans la vie de quartier de Lomé.
Parmi les textes présentés, on trouve « La maison de mon père » de François Archambault (Québec), « Bercail, que ta volonté soit faite » de Jérôme Tossavi (Bénin), « Je me souviens très bien ou le temps d’un souvenir » de Laura Sheïla Inangoma (Burundi) et « Piment doux » de Charlotte Lagrange (France). Ces œuvres ont été façonnées dans le cadre d’une résidence d’écriture à Lomé où les auteurs, depuis décembre 2023, ont puisé dans l’énergie des quartiers de la ville et de ses habitants pour nourrir leur créativité.
Dans le texte poignant de Laura Sheïla Inangoma, tout commence avec la découverte par Marie, une députée, que sa voisine Nadjouma est une ancienne prêtresse, désormais en proie à la perte de mémoire. Ce récit tragi-comique navigue avec finesse entre humour et charge mentale, tout en offrant un regard incisif sur les relations générationnelles et la politique au féminin. Inspirée par ses observations dans le quartier d’Avédji, Inangoma a été marquée par l’omniprésence des arbres, la cohabitation d’églises évangéliques et de pratiques spirituelles traditionnelles, notamment le vodou. « On avait pour mission de parcourir tout le quartier et à un moment, je me suis dit que je dois trouver quelque part où je peux m’asseoir et avoir un peu d’ombre. Et voilà je découvre que l’endroit est un couvent de Vodou. Et je commence à m’intéresser à l’histoire du vodou. Ça m’a étonnée parce qu’au Burundi, nos pratiques traditionnelles sont illégales. Je me disais, c’est merveilleux ce pays qui a les églises évangéliques et aussi l’acceptation de nos spiritualités africaines. En demandant, je me suis rendu compte que le vodou est aussi proche de la politique », a-t-elle déclaré.
Les autres textes offrent également des perspectives fascinantes sur des thématiques ancrées dans la vie africaine et togolaise. « La maison de mon père » explore la question de l’héritage et de l’exil à travers une maison en ruine, tandis que « Bercail, que ta volonté soit faite » est un monologue qui raconte la « petite histoire de la grande histoire » d’un quartier révolté. Quant à « Piment doux », il s’agit de l’histoire d’Akossiwa, une femme prise dans les filets de son passé, entre adolescence et contrainte sociale.
En parallèle des quatre pièces principales, la Fabrique de Fictions propose une programmation off : « L’empreinte du vertige », un spectacle mêlant poésie et rock’n’roll signé Angèle Baux Godard, et « Les petites fabriques de Gustave », un projet audacieux de Gustave Akakpo en deux épisodes.
Depuis son lancement en 2019 par la compagnie togolaise La Fabrik, la Fabrique de Fictions s’attache à rapprocher le théâtre des quartiers périphériques, transformant les espaces publics en scènes vivantes pour des fictions partagées. Sefako Agbokou, co-directrice artistique, souligne l’importance de cette décentralisation : « En racontant le quotidien des gens qu’il croise, l’auteur permet au public de se retrouver dans les histoires créées. Cela crée une proximité ; ensemble, on forme une famille, et c’est juste beau », a-t-elle fait savoir.