Au Togo, foncier rime avec insécurité, les litiges sont légion. Mais à l’Office togolais des recettes (OTR), l’on s’emploie, depuis sa création en 2012 et son opérationnalisation complète en 2014, à coup d’innovations dans les procédures et de réformes audacieuses, à rasséréner un secteur aussi tensiogène, renforcer la sécurisation foncière…
Des acquéreurs de bonne foi qui voient leurs acquisitions remises en cause par un quidam se réclamant propriétaire de tout le village, des familles installées depuis des années menacées de déguerpissement…Il y a un brin de répit depuis quelque temps à Gbamakopé. Mais ce litige, à côté de nombreux autres cas individuels où les acquéreurs ont manqué d’engager les procédures d’immatriculation de leur terrain, est assez illustratif de l’insécurité foncière dans sa globalité au Togo. Au niveau de l’OTR, l’on s’efforce d’endiguer le fléau, à coups de réformes tous azimuts.
Les réformes majeures
Le Guichet foncier unique (GFU) est l’une des grandes réformes menées. Rassemblant les divers services intervenant dans le foncier autrefois éparpillés, l’Agro-foncier, l’Urbanisme et le Cadastre, il se veut une porte d’entrée de tous les dossiers au sein de l’administration foncière et permet au requérant d’avoir les informations utiles sur son terrain, l’existence éventuelle de titre foncier, d’être orienté, etc.
Contre les traditionnels trois tampons, c’est désormais le tampon unique pour le plan parcellaire qui a droit de cité. Sur la base des informations techniques et autres fournies par le Guichet foncier unique au cours du contrôle technique, et après avis favorable, une autorisation tacite délivrée, le géomètre agréé privé signe ledit plan.
Les procédés techniques ont aussi évolué. En lieu et place des coordonnées locales dont l’efficacité est limitée, ce sont celles universelles GPS (Global positioning system) qui sont privilégiées. Introduit depuis les années 2001 et facultatif, ce système est rendu obligatoire. Pour plus d’efficacité, il lui est associé le géoréférencement, une technique permettant de constater, en temps réel, l’empiètement des parcelles.
Depuis le 1er août 2024, dans le cadre des réformes visant à « simplifier et à moderniser les procédures foncières », l’OTR a institué un Numéro unique parcellaire (NUP) pour « désigner et identifier les parcelles de terrain sur toute l’étendue du territoire national », d’après un communiqué du 26 juillet 2024. Son intérêt, favoriser une meilleure transparence dans la gestion foncière et concourir à la réduction des litiges grâce à une meilleure traçabilité des actifs.
La décentralisation de l’administration foncière est l’une des innovations qui apporte une véritable plus-value. Contre un seul conservateur national siégeant à Lomé, il existe désormais un conservateur pour chaque région, en plus d’un spécialement désigné pour le Grand-Lomé. Plus besoin de convoyer les dossiers à Lomé pour créer des titres fonciers sur des terrains se trouvant à l’intérieur du pays, ils se créent désormais aux chefs-lieux de région.
Simplification des procédures, rapprochement des services du citoyen, célérité des services et efficacité de l’administration foncière, suppression de certains frais, les effets positifs de ces grandes réformes parmi lesquelles la réduction de la valeur vénale des parcelles à 1,5 % contre 15 % auparavant, la baisse du temps de délivrance des titres fonciers à six mois contre plusieurs années, sont notoires. Mais le renforcement de la sécurisation est sans doute le plus grand gain de ces innovations.
Sécurisation renforcée
« Avant, on pouvait légitimement dire qu’il y a plus d’assurance en zone approuvée parce que les services techniques et administratifs avaient à disposition des planches d’études, au contraire des zones rurales ou non-approuvées (…) Mais aujourd’hui, avec l’utilisation systématique des coordonnées universelles et la digitalisation, que la parcelle soit en zone urbaine ou rurale, elle est représentée et l’emplacement bloqué, aucun autre dossier ne pourrait y passer », témoigne une source bien renseignée sur les procédures foncières.
Géomètre agréé, formateur et expert en foncier et gestion des structures foncières, Roger Comlan Sessou renchérit : «Avant, les terrains n’étaient pas sécurisés, parce que nous travaillions dans un système qui ne permettait pas de les sécuriser (…) Mais depuis plusieurs années, l’OTR a muté vers un système GPS où les coordonnées sont satellitaires. Ce qui induit qu’aucun terrain ne peut plus faire l’objet de deux dossiers différents. Une fois levé avec les coordonnées GPS, il est sécurisé, personne ne peut plus faire passer le même plan dans l’administration».
« Ces outils, du moins la technique de géoréférencement permet d’éviter de délivrer deux titres sur une même parcelle. On peut concéder au moins cela (…) Quand vous allez au Guichet foncier unique, c’est facile de savoir si votre terrain a un problème ou pas, par la technique de géoréférencement», concède Kampatibe Kariyiare, consultant en gouvernance foncière et administrative, Président de l’Association des usagers du service public (AUSEP), souvent critique vis-à-vis de l’Etat sur les questions foncières.
Ces divers témoignages mettent en exergue le renforcement de la sécurité foncière engendré par les réformes, une panacée à l’insécurité ambiante caractérisant le foncier au Togo. Un impact positif qui devrait rassurer plus d’un citoyen à s’engager avec confiance dans les procédures foncières et consentir aisément à l’impôt au profit des projets de développement…
Il nous revient que l’OTR devrait incessamment muter vers un système plus performant, le Global navigation satellite system (GNSS) nécessitant la mise des stations permanentes qui enregistrent continuellement les données des satellites et permettent un bon usage des coordonnées GPS, les CORS (Continuouly operating reference system). Deux de ces stations sont déjà installées au siège de l’OTR et au CMS Madjikpeto et, selon une confidence, il en faudrait vingt-cinq (25) pour couvrir tout le territoire togolais.
Les réformes de l’OTR concourent, manifestement, au renforcement de la sécurisation foncière. Mais cette problématique est une responsabilité collective qui, pour être totale, nécessite qu’on agisse sur les facteurs connexes. Des observateurs avisés suggèrent justement la piste de l’approbation rapide ou de la régularisation des lotissements clandestins dans les zones non-approuvées, l’immatriculation obligatoire des propriétés rurales avant toute vente, l’accompagnement des collectivités par l’Etat contre un pourcentage de terrain, entre autres.
NYIDIKU Kwasi Agbenyo