Participer ou boycotter ? Le débat est d’actualité dans l’opinion, au sujet des élections municipales en vue. Sur les réseaux sociaux, certains partisans du boycott vont jusqu’à intimer l’ordre aux partis de l’opposition crédible de ne pas y participer, sous prétexte de cautionner le régime en place et la 5e République. Les plus irréductibles caricaturent d’ores et déjà de vendus ou d’ennemis du peuple, ces opposants qui y participeraient et ont déniché une motivation très humaine (sic) à leur position, honorer la mémoire des sept (07) compatriotes tués lors des manifestations des 26, 27 et 28 juin derniers. Mais il n’est superfétatoire de relever que le boycott a des conséquences, et parfois très lourdes. L’histoire démocratique du Togo est pavoisée d’exemples. Rappel de ces conséquences, dans cette analyse assez lucide de la compatriote Brigitte Ameganvi, grande actrice de la société civile et de la diaspora engagées pour l’alternance et la démocratie au Togo, sous le nom de plume B.A.BA.
Les conséquences réelles des boycotts précédents : législatives de 1999, 2002 et 2018
Avant les élections importantes au Togo, il se trouve toujours des messies sortis de nulle part pour prôner le boycott des élections pour, disent-ils, ne pas apporter une caution à la nouvelle mascarade électorale de Faure GNASSINGBÉ.
Or le passage chaotique à la 5ème République a démontré à la face du monde que Faure GNASSINGBÉ a une peur viscérale des élections, même frauduleuses. C’est la raison principale pour laquelle il a tout fait pour ne plus jamais avoir à se soumettre au verdict des urnes. Dans les régimes parlementaires partout dans le monde, le Président du Conseil des ministres est choisi par élection au sein des députés élus au parlement. Sauf au Togo ! Pourquoi ? Parce que Faure Gnassingbé a une peur bleue des élections et a décidé, dans sa constitution de la Vème République taillée sur mesure, que le Président du parti majoritaire à l’Assemblée nationale est d’office Président du Conseil des ministres. Le système RPT-UNIR trouve donc systématiquement des hommes de main pour lui dégager la voie, en prônant le boycott ! Et il trouve toujours, moyennant des promesses jamais tenues, des volontaires au sein de l’opposition pour lui déblayer le terrain, souvent en vouant aux gémonies ses adversaires et en démotivant les électeurs qui auraient voté pour ces derniers !
Pour comprendre à qui profite le crime de boycott, analysons sérieusement et froidement les conséquences des boycotts passés, à la lumière de deux questions importantes :
1) Quelles sont les conséquences réelles des boycotts précédents ?
2) Quel est le profil des hérauts du boycott !
- Conséquences des boycotts précédents : législatives de 1999, 2002 et 2018
Les boycotts précédents ont juste permis à Faure Gnassingbé d’empêcher que des représentants des candidats de l’opposition ne soient présents dans les bureaux de votes, n’obtiennent les vrais PV des dépouillements non-pré signés et ne soient présents dans les CELI pour filmer et sortir des informations sur la vraie industrie de falsification des résultats qui se met en place après la fermeture des bureaux de vote. Les vidéos que Togo-Vote a pu collecter lors des dernières élections législatives sont édifiantes.
Le boycott des élections permet juste aux Gnassingbé de pouvoir publier, sans la moindre possibilité de contestation, des résultats montrant un taux de participation fantaisiste et des scores soviétiques, tout en dénonçant la politique de la chaise vide pratiquée par l’opposition. Pire, le boycott des élections législatives de 1999, 2002 et de 2018 par l’union de l’opposition réunie au sein du « Front Uni de l’Opposition » puis de la C14 a, à chaque fois, permis à la dynastie Gnassingbé de modifier la Constitution voire de la changer pour se maintenir au pouvoir.
Le boycott des législatives de 1999, puis les législatives anticipées d’octobre 2002 a permis à l’Assemblée nationale de modifier la Constitution le 31 décembre 2002. Le fameux toilettage du 31 décembre 2002 a permis de changer subrepticement, sous la houlette de Natchaba et de son professeur de droit constitutionnel mercenaire en col blanc, le régime semi-présidentiel de la Constitution de 1992 adopté par référendum en un régime présidentiel sans contre-pouvoir, de faire sauter la limitation à deux du nombre de mandat présidentiel et de passer aux élections présidentielles à un seul tour, le fameux un coup KO cher aux dictateurs Africains ! C’est également à cette révision constitutionnelle de 2002 que nous devons le système bicaméral, avec l’instauration d’un Sénat qui a finalement vu le jour en avril 2025. Le pays n’en a pas besoin et il n’a d’autre finalité que de servir des indemnités au système RPT-UNIR et à ses obligés, au détriment des fonds qui auraient dû servir à construire des hôpitaux, centres de santé, des écoles, collèges Lycées et centres d’apprentissage pour les Togolais.
Après que l’opposition unie s’est glorifiée de ce boycott qui devait discréditer la mascarade électorale orchestrée par le système RPT et ses sept magistrats désignés unilatéralement par Éyadéma GNASSINGBÉ en lieu et place de la CENI, elle a compris l’erreur grave qu’elle avait commise et s’était juré de ne plus jamais boycotter une élection, surtout législative. Et nous nous sommes tous mobilisés en 2017 et 2018 pour réclamer la Constitution originelle de 1992 dont notre boycott collectif avait permis la modification.
Cette mobilisation d’une ampleur inédite a fait vaciller le régime qui a appelé la CEDEAO au secours. Nous reprochons beaucoup de choses à la médiation de la CEDEAO en 2018. Mais la seule chose que nous ne pouvons pas lui reprocher, c’est d’avoir commis un expert constitutionnaliste, en la personne d’Alioune Badara FALL, un Sénégalais, qui a remis son rapport en novembre 2018 et rédigé les deux articles de la Constitution à modifier : l’article 59 pour y réintroduire la limitation des mandats et l’article 100 sur l’élection du Président de la République à deux tours.
Et patatras ! Comme des imbéciles, alors que nous nous étions juré de ne plus jamais boycotter une élection, surtout des législatives, l’opposition réunie au sein de la C14 a encore boycotté celles de décembre 2018. Malgré ce boycott, comme si un 9 avait été ajouté au taux de participation réel plutôt proche de 5%, le système RPT-UNIR a affiché son taux de participation standard proche de 60%, soit 59,25%. Il a également fait participer des regroupements bidons d’indépendants qui lui ont permis d’afficher une élection pluraliste, démocratique, tout en s’accordant toutes les majorités lui permettant de faire ce qu’elle veut à l’Assemblée nationale.
La modification de la Constitution pour laquelle la CEDEAO a commis un expert a bien eu lieu en mai 2019. Aux deux articles proposés par l’expert de la CEDEAO, les députés de l’assemblée monocolore ont, en violation du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, ajouté plusieurs « cavaliers législatifs », non prévus ni dans le rapport de l’expert constitutionnel, ni dans le projet de loi de révision constitutionnelle introduit pas le gouvernement pour faire semblant de respecter ses engagements vis-à-vis de la CEDEAO. Ils ont ainsi modifié plusieurs autres articles, ce qui a permis :
- La remise des compteurs à zéro dont nous, manifestants de 2017-2018, ne voulions pas ;
- Une amnistie accordée au chef de l’État et à ses hommes de mains pour tous les crimes de sang et crimes économiques commis pendant leur présence au pouvoir !
Et surtout, c’est ce boycott qui a permis à Faure Gnassingbé de prolonger le mandat de l’Assemblée nationale jusqu’à ce qu’elle puisse opérer le changement de Constitution que nous sommes en train de combattre aujourd’hui en versant le sang de notre Jeunesse ! Alors, je vous mets au défi de nous démontrer en quoi le boycott égratigne le système RPT-UNIR. Si la jeunesse Sénégalaise avait boycotté l’élection truquée que préparait Macky Sall, Diomaye Fall et Sonko ne seraient pas au pouvoir aujourd’hui. Le débat reste ouvert.
En revanche, au vu de tout ce que le boycott permet au système RPT-UNIR de faire, je me pose de sérieuses questions sur le profil et les missions réelles de ceux qui, sortis de nulle part, débarquent dans ce combat que nous menons depuis l’assassinat du père de l’indépendance, un assassinat revendiqué dans le numéro 720 de Paris Match par un certain Étienne Eyadéma, père de Faure Gnassingbé ».
A suivre.


