Des populations civiles ou vulnérables violentées, les libertés fondamentales restreintes et/ou foulées au pied, des citoyens torturés…Les périodes de crise sont particulièrement fertiles aux violations des droits et libertés fondamentaux, aux tortures, entre autres souffrances et atteintes à la dignité humaine. Ces fléaux sont notoires au Togo, dans des pays du Sahel ou ailleurs dans le monde, banalisés et portent gravement atteinte à l’humanité. Toute chose qui augmente la nécessité d’explorer des pistes pour son éradication.
Des manifestants frappés sur tout le corps, y compris sur la tête, par des agents des forces de l’ordre avec une barbarie inouïe, une dame sans défense prise à partie par une meute de corps, une autre fessée et présentant des postérieurs gorgés de sang, les personnes arrêtées soumises par leurs bourreaux à des traitements cruels, inhumains et dégradants…Les maltraitances subies par des citoyens togolais lors des manifestations des 26, 27 et 28 juin et dans les différents lieux de détention par ceux arrêtés lors des premiers mouvements de colère du 6 juin 2025 sont encore vivaces dans les mémoires et actualisent la problématique au Togo.

Au niveau des pouvoirs publics, on balaie du revers de la main les allégations. Dans le rang des organisations de défense des droits humains, on monte au créneau pour dénoncer ces actes de torture et autres traitements indécents. Amnesty International porte la voix des victimes et réclame des enquêtes sur les allégations (https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2025/06/togo-protesters-tortured/).
Atteintes tous azimuts à l’humanité
En Israël, l’hôpital Soroka de Beer-Sheva, au sud du pays, a été frappé par un missile iranien le 19 juin dernier, dans le cadre de la guerre opposant les deux pays. En Ukraine, la Russie bombarde quotidiennement des centrales électriques pour priver les populations locales d’électricité et les plonger dans le froid en temps hivernal (https://www.connaissancedesenergies.org/afp/la-russie-frappe-massivement-le-reseau-energetique-ukrainien-le-jour-de-noel-241225-2). Désolation totale dans la bande de Gaza où des civils aux mains nues sont quotidiennement massacrées en allant chercher de l’aide humanitaire (https://www.ouest-France.fr/monde/gaza/gaza-plus-500-personnes-déjà-mortes-en-allant-chercher-de-l’aide-alimentaire-2c5223a0-4b7b-11f0-a713-daeef56bef5e). C’est de l’inhumanité à ciel ouvert et c’est à juste titre que des voix, y compris l’ONU, allèguent et dénoncent des crimes de guerre et/ou contre l’humanité.
Sur le continent africain, dans les pays du Sahel où règnent en maîtres les nouveaux « Colonels messies », au nom de la lutte contre le terrorisme, les libertés fondamentales sont piétinées, la contestation de leurs méthodes ou gouvernance interdite, les partis politiques dissous comme au Mali, au point de susciter une interpellation du Haut-commissariat aux droits de l’Homme (HCDH) (https://www.ohchr.org/fr/press-releases/2025/05/mali-curbs-political-rights-risk-further-deepening-human-rights-concerns). Au Burkina, toute critique contre Ibrahima Traoré vaut à son auteur la réquisition pour le front, à défaut de la potence (https://www.lemonde.fr/afrique/article/2025/04/04/burkina-faso-trois-journalistes-critiquent-le-pouvoir-ils-sont-enroles-de-force-dans-l-armee_6590986_3212.html).

Au Togo, peut-être à une échelle moindre, même croisade contre les libertés fondamentales et les droits humains. Au nom de la lutte contre le terrorisme, les manifestations publiques de contestation sont interdites, des libertés restreintes. Une situation qui avait poussé Amnesty International à interpeller les régimes de Faure Gnassingbé et de Patrice Talon au Bénin : « Le combat contre les groupes armés ne peut en rien justifier les violations des droits humains » (https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2022/07/benin-togo-fight-against-armed-groups-must-not-justify-human-rights-violations/). Même à Lomé, à des milliers de kilomètres des lieux des attaques dans la région des Savanes, on en prétexte pour refuser la tenue des manifestations. Durant la crise sanitaire à coronavirus entre 2020 et 2022, des citoyens togolais ont été violentés et d’autres y ont perdu leur vie, pour non-respect du couvre-feu et/ou des mesures de restriction (https://cvu-togo-diaspora.org/2020/05/08/covid-19-couvre-feu-et-derives-policieres-au-togo/17633). Le Collectif des associations contre l’impunité au Togo (CACIT) avait, en son temps, élevé la voix.
Aux origines des violations
« En temps de crise, les institutions sont souvent affaiblies, les repères juridiques et éthiques peuvent vaciller et les tensions, qu’elles soient politiques, sociales ou économiques, peuvent favoriser des dérives. La peur, l’urgence, le désir de survie ou le sentiment d’impunité peuvent conduire à des violations ». Chef du département Information et Diffusion de la Croix-Rouge Togolaise (CRT), Sodjiney Ayayi Aziadapou souligne, là, des facteurs favorables aux violations des droits fondamentaux, violences et atteintes à la dignité humaine.

Selon les sources avisées, plusieurs éléments conditionnent, en effet, la survenance de ces atteintes en période de conflit ou de crise : absence de contrôle sur les forces et groupes armé(e)s, attaques indiscriminées contre les populations civiles, utilisation disproportionnée de la force entraînant des pertes humaines et des souffrances inutiles, prévalence d’un climat de peur et d’impunité pouvant favoriser les abus sur les plus vulnérables, peur généralisée qui empêche les victimes de dénoncer les exactions, discours de haine pouvant alimenter les conflits et légitimer l’action de certains groupes sur les populations civiles, absence ou insuffisance de sanctions contre les responsables de violations…
Un des prétextes avancés par des gouvernements, en Afrique notamment, pour légitimer (sic) les restrictions des libertés fondamentales, c’est celui de sécurité nationale. Au nom de la lutte contre le terrorisme, dans les pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), la liberté d’expression est bâillonnée, la moindre critique de la gouvernance vaut à son auteur un embarquement au front, des partis politiques sont dissous, les manifestations de contestation interdites…
Pas de légitimation possible
Vues d’œil de belligérants ou de gouvernants, les atteintes aux droits fondamentaux et à la dignité humaine sont de simples (sic) dommages collatéraux des conflits ou crises. Il est, certes, difficile de les préserver totalement en période de crise. Mais alors peut-on trouver une légitimation possible à ces atteintes ?
« Aucune violation des droits de l’Homme ne peut et ne devrait être légitimée, même en période de tensions. Le DIH (Droit international humanitaire, Ndlr) impose à toutes les parties des règles strictes pour limiter les effets des conflits armés et protéger les populations civiles. Toute tentative de justification des abus sous prétexte de nécessité militaire ou de sécurité est contraire aux Conventions de Genève (…) Les atteintes aux droits humains et à la dignité des populations ne doivent jamais être tolérées ou justifiées». Cheffe mission du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour le Togo et le Bénin, Mme Mikafui Akue Djessoa est catégorique.
« La crise ne suspend pas l’humanité (…) Respecter les droits humains en période de crise, c’est préserver les fondations de la société et éviter l’engrenage de la violence », renchérit le Chef du département Information et Diffusion de la CRT.

En période de crise ou d’instabilité sécuritaire, la préservation des droits humains devient complexe, les priorités militaires et sécuritaires prenant souvent le dessus. Toutefois, le Droit international humanitaire impose « des obligations strictes aux parties prenantes afin de limiter les souffrances des populations civiles et empêcher les abus ». Il interdit, à titre d’exemple, les attaques indiscriminées et exigé que toutes les précautions soient prises pour éviter les pertes humaines inutiles.
Les enjeux et pistes à explorer
Les enjeux du respect de l’humanité sont énormes. « En période de crise, le respect des droits de l’Homme est crucial pour préserver la dignité humaine et limiter les souffrances inutiles. Les conflits et les catastrophes fragilisent les populations, les exposant à des abus et à des privations. Maintenir les principes fondamentaux des droits humains permet d’assurer une protection minimale aux plus vulnérables et d’éviter des dérives qui pourraient aggraver la situation », souligne la Cheffe mission du CICR pour le Togo et le Bénin. Et d’insister que garantir ces droits favorise la réconciliation et la paix après un conflit, le respect des droits fondamentaux crée un climat propice au dialogue et à la stabilité.
Mais alors comment parvenir à protéger les droits fondamentaux et la dignité humaine en ces moments de tensions ? « Il faut d’abord renforcer l’éducation à la culture humanitaire, la diffusion du DIH et des principes fondamentaux. Ensuite, garantir un accès sûr et impartial aux victimes par les acteurs humanitaires. Il est aussi essentiel de collaborer avec les autorités, les leaders communautaires et les forces de sécurité pour promouvoir la protection des civils. Enfin, écouter les communautés affectées est une clé : elles portent souvent en elles des solutions durables », telles sont les pistes tracées par M. Aziadapou.
Au CICR, on évoque aussi comme alternatives la médiation et la diplomatie humanitaire, ainsi qu’un travail approfondi de prévention auprès des législateurs et des leaders d’opinion.
La contribution du CICR
L’action du CICR repose fondamentalement sur un dialogue bilatéral, confidentiel et constructif avec les divers interlocuteurs, ce qui garantit une résolution des cas de violations des droits humains, dans le strict respect des principes fondamentaux chers au Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

Le CICR travaille directement avec les porteurs d’armes en les formant aux règles du droit international humanitaire et en veillant à leur intégration dans les doctrines militaires et les programmes de formation des combattants. « La formation des forces armées et des acteurs humanitaires aux principes du DIH s’est révélée indispensable pour assurer une meilleure compréhension et application des règles de protection », confie la patronne du CICR au Togo et au Bénin.
Ces actions, assure-t-on, contribuent à « réduire les souffrances et à préserver l’humanité, même en temps de crise » et grâce à cet accompagnement, de nombreux porteurs d’armes prennent des mesures pour minimiser les dommages sur les populations civiles et améliorer le respect des conventions internationales.
« La sauvegarde des droits et de la dignité humaine repose sur plusieurs mécanismes essentiels que le CICR met en œuvre au quotidien. La médiation et la diplomatie humanitaire, ainsi qu’un travail approfondi de prévention auprès des législateurs et des leaders d’opinion sont des maillons essentiels dans le travail que fournit l’organisation », indique Mme Mikafui Akue Djessoa, assurant que « tous ces efforts que déploient chaque jour des collaborateurs du CICR contribuent à réduire les souffrances et à préserver l’humanité, même en temps de crise ».
NYIDIKU Kwasi Agbenyo


